Faut-il avoir du courage, ou laisser la vie nous sourire ?

Avez-vous remarqué ? Les Français souhaitent « bon courage ! » à quelqu’un qui va vivre probablement une épreuve, tandis que les Anglo-saxons disent tout simplement « good luck », littéralement « bonne chance ! »

Et vous, que préférez-vous que l’on vous souhaite ? Du courage ou de la chance ? Allez-vous vous situer « face à l’épreuve », auquel cas il vous faudra du courage… Ou « dans l’épreuve », auquel cas c’est plutôt de la chance qui vous sera utile… Un spécialiste de l’approche systémique disait : « il faudrait cesser de dire « je suis DANS un embouteillage », car en fait il serait plus correct de dire « je suis L’EMBOUTEILLAGE ». Il faudrait de la même manière cesser de vouloir comprendre la réalité de ce qui se passe, car en réalité nous « sommes compris » dans la réalité de ce qui se passe. Tout l’enjeu va donc être ici de savoir accepter de faire partie du monde, et d’avoir confiance en lui… ou de rester « face au monde » et de vouloir le plier à sa propre vision de ce que le monde doit être.

Un ami enseignant me disait un jour « Il faut que je me repose un peu car demain je serai de nouveau face à mes élèves… ». Je lui ai répondu avec un clin d’oeil complice : « Tu vas être face à tes élèves, ou avec eux ? »….

Il m’a répondu avec un sourire… Changer de regard… changer de posture… ET laisser la vie nous sourire… Et sourire avec elle…

Au XVIIè, lorsque Don Diègue demande à Rodrigue s’il va oser se battre en duel pour venger son honneur, il lui demande : « Rodrigue as-tu du coeur ? » Ce qui signifie en langue moderne « Rodrigue as-tu du courage ? »

Mais si le vrai courage, c’était… non pas un code d’honneur et de déshonneur… non pas d’accepter de vivre ou de mourir pour un affront réparé ou non…

Si le vrai courage, c’était, comme nous invite à l’entendre l’étymologie du mot… – etumos logos – la vérité du mot… Et si le vrai courage, c’était d’avoir, bel et bien, du « coeur » en sortant de la grille de lecture du mental… Si le vrai courage, c’était d’accepter de vivre dans le réel et dans ce qu’il nous propose, et non dans son système de croyances rationnel à l’aune duquel le réel devrait être lu… Et si le vrai courage, c’était d’oser remettre en cause son système de croyances lorsque le réel nous y invite, plutôt que de tordre la réalité pour essayer de la faire correspondre aux cases bien ordonnées de notre référentiel cérébral ?

J’ai la chance d’être entourée d’amis aimants et positifs, heureux de m’encourager dans les bons moments de ma vie comme dans les moments difficiles. Ils m’ont régulièrement dit qu’ils me trouvaient courageuse, pour telle ou telle chose que j’avais faite, et je les en remercie… Pourtant, je dois avouer ici, et sans fausse modestie, que souvent, je ne me sentais pas vraiment mériter leurs éloges. En d’autres termes, souvent, mes amis m’attribuaient du courage dans des situations, qui, pour moi, ne relevaient pas du « courage ».

En revanche, il m’a semblé un jour être courageuse à mes propres yeux. Et là, personne ne m’a tellement renvoyé cette notion de courage, autour de moi.

Le jour où je me suis sentie courageuse, c’est un jour où, ayant repris des études de psychologie, et étant dans une situation d’incompréhension totale avec mon ex-mari, j’avais absolument besoin – pour des raisons économiques – de réaliser une mission de formation, pour laquelle je ne me sentais pas du tout au point. La personne qui m’avait permis de décrocher cette mission m’avait initialement promis de me former si je gagnais le contrat…

Mais, heureuse d’avoir gagné l’appel d’offres, je n’ai finalement reçu aucune formation… Je m’étais pourtant engagée, et j’ai dû mener à bien cette mission, avec les moyens du bord. Moi qui étais perfectionniste comme personne, je comprenais, APRES chaque exercice proposé aux participants, ce que j’AURAIS DÛ leur proposer comme consigne pour que l’exercice fonctionne. Et je devais continuer, exercice après exercice, heure après heure, minute après minute, à dire une phrase de plus, à dire un mot après l’autre et cette succession de secondes où je me regardais être mauvaise, tellement mauvaise a débouché sur un moment hors du temps… celui de l’évaluation finale où un à un, chacun des stagiaires a pu dire comme ma formation était non pas mauvaise, mais très mauvaise… Trop théorique, pas assez pratique, mal ceci, pas assez cela… Un vrai casting de la vache-qui-rit. Pourtant, je peux vous dire que la perfectionniste en moi ne riait pas. Elle faisait même franchement la gueule. Mais tout d’un coup, alleluiah, moment de grâce, aux captifs la libération… Tout d’un coup, il a été 17.31. La formation était finie. Je pouvais rentrer chez moi.

Et mon calvaire a pris fin. C’était fini. Le temps élastique de l’étirement des secondes a soudain lâché. Je pouvais plonger dans un nouvel espace temps, où j’avais le droit d’être là, entièrement moi-même, et où je cessais de m’observer en train de « mal faire » ce que je faisais. J’avais le droit d’être juste qui j’étais. A la fois bonne et mauvaise, en tout cas perfectible…. J’avais le droit d’avoir le désir profond de bien faire, et de n’en avoir pas les moyens. J’avais le droit d’être dans une situation que je n’avais pas complètement choisie, et de la vivre malgré tout. J’avais le droit d’être une perfectionniste qui souffre, et qui pourtant croit profondément qu’elle ne pouvait pas faire autrement que de réaliser cette mission, avec ses moyens du bord…

Bref, grâce à cette situation qui fut pour moi si difficile, qui m’a demandé intérieurement tant de force, tant de courage, je n’ai jamais tant appris… car quelque chose en moi s’est ouvert. C’ets grâce à cette expérience pour moi « hors du réel », que j’ai pu par la suite concevoir et animer avec tant de bonheur tant de formations…

Le vrai courage, c’est peut-être d’accepter de faire, d’accepter qu’il n’y a plus d’autre choix possible et qu’il s’agit de dire « fiat ». Que cela advienne. Je vais faire. Simplement faire. Me laisser agir par le réel.

Le vrai courage, c’est peut-être quand il n’y a plus d’autre choix possible. Le vrai courage, c’est quand le contrôle de la tête cède pour laisser place à l’ouverture du coeur. Je vous raconterai bientôt une autre expérience, celle de l’arche de Noé….

Mais pour l’instant, force m’est de conclure en bouclant ma boucle. Car cette situation pénible au-delà de toute description, m’a permis d’apprendre comme jamais… à oser vivre ce que j’avais à vivre, sans tout contrôler toujours en amont. Vivre cette situation a été pour moi une occasion – chance, en fait, en anglais, est synonyme de « opportunity », occasion… ni plus ni moins… sans connotation de gain au loto ou de quoi que ce soit d’autre événement magique – une occasion inouïe d’expérimenter que « mieux vaut une action imparfaite, qu’une parfaite inaction ». Comme si le « good luck » des Anglo-saxons était en fait à traduire par : « bonne capacité à saisir les occasions que la vie va te donner »… Comme si ils formulaient là une vision fondamentalement positive du monde, une vision d’un monde dont je fais partie, d’un monde qui me comprend… dès lors que je cesse de vouloir le comprendre… le good luck résonne alors comme une invitation à « faire partie du monde », comme mon ami enseignant AVEC ses élèves, et peut-être faudrait-il même dire… même GRÂCE À EUX. C’est car c’est bien grâce à ses élèves que le maître se révèle…

Alors… je vous dis… Good Luck ! Le monde vous invite à vous laisser comprendre… le monde vous invite à lui ouvrir votre coeur… pour vivre des expériences tels qu’en vous-mêmes… des expériences de vie. En 3D. Avec du bon et du mauvais. Et du meilleur… mais en tout cas… AVEC LUI !

Good luck ! Laissez-vous comprendre par le monde… la vie vous sourira… Finalement on pourrait traduire le Good luck par « CARPE DIEM »… saisis les occasions, cueille le Kairos… Fais « AVEC » ! ACCUEILLE…